Un chaland à VERTBUISSON

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L'huile ci-dessus , issue d'une collection privée, a été peinte en 1935 et intitulée par son auteur: Verbuisson, la source du Ninglinspo". Il est à remarquer qu'Edgard D'Hont tombe dans un de ses travers récurrents pour commettre une faute de transcription dans le nom de la localité où il a posé son chevalet.

De par sa situation entre la cité des princes-évêques et l'abbaye de Stavelot, le hameau de Vert-buisson a trouvé depuis longtemps sa vocation dédiée à l'accueil et au gîte des voyageurs. Edgard D'Hont dut donc y trouver fréquemment refuge dans l'une des superbes maisons dites du"Haut Marais" bâties en moellons de grès et de quartzite. Ses escapades locales récurrentes le menaient inlassablement à la poursuite du cours de l'irascible Ninglinspo. Cette rivière par sa sauvagerie et ses petits airs de torrent a littéralement envoûté le paysagiste séduit par les remous d'une eau libre et les luminosités qui telles des farfadets les enrichissent.

Le peintre, lors d'un séjour en 1932, trois années donc avant la réalisation de l'huile en tête de cette page va déjà choisir de représenter une bâtisse située à l'une des extrémités du village le long de la route menant à La Reid. Ce bâtiment surveille depuis toujours le ruisseau du Hornay qui, mêlé au Ru des Blanches forme la célèbre rivière à la réputation touristique indémodable.

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A titre rare, voire peut-être unique, Edgard D'Hont va réaliser au départ du même point de vue deux tableaux à l'huile quasiment identiques bien que de dimensions différentes. La raison de ce doublement de la démarche nous est inconnue....S'agit-il d'une volonté délibérée ou d'une commande particulière...le mystère demeurera sans doute entier. L'un des tableaux sur bois  de 25cm sur 20cm nous offre un temps gris, l'autre postérieur et plus redondant, de 45 cm sur 35 propose un doux crépuscule ensoleillé. Ces deux oeuvres nous permettent de mieux apprécier les luminosités différentes que peut apporter le paysagiste dans sa transcription scrupuleuse du jeu des assombrissements ou des éclaircies.

On peu, sans forfanterie, rapprocher cette démarche multiple de reproduction d'un même point d'observation  d'exercices picturaux d'un Monet confronté à la façade de la cathédrale de Rouen....même si, bien sûr, le Maître de Chênée reste viscéralement attaché à sa traduction scrupuleuse de la réalité dépourvue de toute retranscription personnelle.

Par miracle, ce sympathique coin de campagne n'a pratiquement pas évolué en ce début de millénaire. Cette persistance nous saute aux yeux en comparant une toile, une carte postale datée des années 30 et un cliché contemporain.

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Entre la maisonnée représentée à l'avant-plan et l'humble ruisselet court un chemin historique portant le nom de Vequée. Il s'agit d'une ancienne voie romaine qui, au moyen age, fut systématiquement empruntée afin de joindre, Liège à Stavelot, Malmédy ou Spa.

Afin d'équilibrer sa composition, Edgard D'Hont va exceptionnellement tricher avec la réalité en représentant au centre de son oeuvre, cachée par le bâtiment principal, le pignon d'une grange dont aucun plan de secteur officiel n'a jamais révélé trace. Il faut avouer que cet ajout opportun apporte un enrichissement à la "retombée des volumes" devenue dès lors bien plus complexe. La carte postale ci-dessus nous révèle ,en fait, l'astuce du paysagiste. Ce dernier a "simplement" raccourci l'espace réel entre la ferme de l'avant plan et une grange située bien plus loin....Gardons-en le secret !

Remarquons dans ces deux tableaux  le génie d'Edgard D'Hont face à la retranscription des éclaboussures qui naissent de la lumière, des nuages en écharde ou des vivacités liquides...mais aussi le génie de la diagonale de soleil à mi-toit....

C'est ainsi la quintessence de l'Ardenne que son pinceau a domestiqué.

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Un troisième tableau ci-contre réalisé en 1921, propose quant à lui, le site plus sauvage du tracé du NINGLINSPO nommé pompeusement :"Le grand chaos".

La photo a été prise dans le remarquable ouvrage du grand spécialiste en la matière Jacques GOIJEN, intitulé le Dictionnaire des peintres de l'école liégeoise du paysage. (ndlr: cet ouvrage passionnant est toujours disponible via le site "école liégeoise du paysage"). Ce cliché  malheureusement imparfait, au contraire de tous ceux inclus dans le "dictionnaire", a reçu l'autorisation de publication ici de la part de Monsieur Goijen.

Ce travail traduit avec acuité la vivacité d'une eau fougueuse bondissant par-dessus des rochers immuables...Nul doute que l'artiste aura préféré cette violence ostentatoire et rarissime en Belgique aux célèbres "baignoires" naturelles que forme plus suavement la rivière lorsque sa déclivité s'atténue..

Edgard D'Hont nommera cette réalisation où transperce une luminosité évanescente: " Ruisseau en mars".