Les Cinq (vus de l'extérieur)

" CAPRICE REVUE"

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L'exposition organisée par Edgard D'Hont et ses amis fera date à Liège. Elle sera surtout soutenue par une revue artistique nommée "Caprice Revue". Cette dernière paraît pour la première fois en décembre 1887 sous la direction de Georges Marc puis de Maurice Siville. Ces "directeurs" sont en fait des membres du secteur "culture" du journal "La Wallonie". La revue hebdomadaire comportera toujours quatre pages, se partagera entre littérature, poésie, musique et arts graphiques et "vivra" jusqu'au mois de mai 1889. Sa vie sera donc courte mais riche...En lien très étroit avec la capitale belge mais cependant inspirée de la "feuille" "Chat Noir" ( du nom d'un célèbre cabaret artistique), Caprice Revue rassemblera la quintessence des jeunes artistes liégeois  ainsi que de toutes les forces "vives" de la cité des Princes. Au hasard des dessins ou des interventions nous y découvrirons les noms de Destrée , Desombiaux, Donnay, Rassenfosse ou Marneffe. Bref tout le "sang nouveau" local, aussi impétueux qu'ambitieux...Signalons enfin une "richesse" supplémentaire de la revue....La quatrième de couverture présente sans doute l'ébauche de l'art de la bande dessinée belge....Pour la première fois, Auguste Donnay , François Maréchal ( qui signe toujours "EWERTWOD") ou Marneffe nous racontent de petites histoires amusantes à l'aide d'une suite de dessins qui s'emboîtent et se suivent...Certains numéros abritent même des historiettes narrées en "cases"...Un univers s'invente chez nous...Il donnera quelques décennies plus tard une génération de dessinateurs belges qui envoûtera le monde entier... (Si cet aspect vous passionne le site de l'Université de Liège vous propose l'ensemble des revues et donc des quatrièmes de couverture à découvrir de toute urgence)

 

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En février 1889, comme présentée ci-dessus, la couverture de la revue s'ouvre sur l'initiative du groupe des "Cinq" et pour ce faire s'illustre du travail de François Maréchal présentant les portraits de ses compères...Nos "jeunes" talents durent trouver l'initiative très à leur gré. La seconde page du journal nie un peu cette présentation ostentatoire par le trop bref texte introductif au ton assez provoquant voire agressif que voici:

" Cy, en première page, les portraits des "Cinq" dont les oeuvres seront visibles en la salle de l'Emulation, dès le 10 février. Le fait seul d'exposer à Liège, où l'on refuse de subsidier tout ce qui n'est pas courses dans des sacs ou réunions "orphéoniques" vaudrait à ces jeunes la sympathie de Caprice-Revue"

Voilà, au passage, quelques termes qui firent plaisir aux autorités contemporaines et qui marquent le degré d'"énervement" des artistes ignorés en but à la société de cette fin de siècle.

Suite à ce soutien total marqué du sceau d'une espérance force est de constater une relative déception dans la "critique" de l'exposition que publiera le journal en date du 2 mars 1889. Le texte est signé d'un laconique "L.T"  largement anonyme pour nous.

"Je l'avoue bien franchement ce ne fut pas sans une certaine joie que nous sortîmes du salon de ces jeunes...Là, comme en quelques rares occasions précédentes, serait pour moi une lueur d'espoir, qu'un groupe plus artistiquement compact se levait enfin dans cette chère bonne ville du bourgeoisisme.Si la révolte n'est pas encore complète, du moins on en perçoit les préludes. Bien que les Cinq trahissent encore la marche hésitante de la jeunesse, cependant nous espérons que désormais ils marcheront tous fermes dans l'oeuvre d'avenir.

....... (suit ici une critique implacable des oeuvres et de l'approche de Jean CAMBRESIER que nous préférons ignorer par simple discrétion...)

"Pour MM D'HONT et MATAIVE, ça n'est pas encore non plus d'un souverain coup d'aile vers le "beau..."

....( suivent ici de franches louanges pour les oeuvres de François MARECHAL et BAUES qui promettent... à défaut de satisfaire entièrement  ....à quelques exceptions près!!!)...

"Allons travaillez, unissez-vous surtout en un groupe compact, poussez ferme de l'avant, n'est ce pas ? Le public, qui ne connaît en art comme un aveugle en couleurs, ne vous épargnera pas; mais....qu'importe !!! Vous avez l'exemple des "Vingt" et de bien d'autres qui sortent enfin triomphalement de la lutte en opposant à l'étroitesse de quelques-uns où les ont placés leurs oeuvres!"

La lecture de cette chronique laisse perplexe. Si la démarche d'exposer semble incontestablement séduire le rédacteur du texte...l'analyse des oeuvres ne peut éviter une critique assez cruelle. Le journaliste (probablement bruxellois) espère-t-il une évolution du groupe néophyte vers un art plus affirmé et plus "moderne"? Le rappel du groupe des "Vingt" tend à le faire croire. Ce dernier, issu de l'avant-garde de la capitale a été crée en 1883 et compte parmi ses "inventeurs" ENSOR et  KHNOPFF . Excusez du peu !!! Il sera rejoint plus tard par ROPS et RODIN. Lors de ses salons, l'association présentera des oeuvres de VAN GOGH, PISSARO, MONET etc etc... Il s'agit bien sûr d'une toute autre "division"!!!! Quand on sait que les artistes constitutifs du groupe des "Cinq" ne choisiront pas la voie du modernisme, nul doute qu'il décevront plus encore l'énigmatique "L.T" tellement peu amène qu'il "crache" intellectuellement non seulement sur l'incompétence des jeunes mais aussi  sur les "amateurs" d'art bref les "acheteurs" potentiels des toiles et dessins...Dont acte...."L.T" était-il le seul à comprendre les choses ? Nul doute qu'il en était persuadé...Au-delà de cette suffisance du critique, force est de contater que , à l'inverse de la satisfaction des jeunes artistes fiers d'une "petite" réussite, l'accueil général de leur travail fut beaucoup plus tiède qu'ils ne l'espéraient. Si , plus tard, ils vendront allègrement nombre de tableaux et s'assureront un certain succès local, les jeunes formant les "Cinq" ne perceront jamais le toit de verre d'une notoriété sur le long terme. L'oubli les attendra... Qu'importe, ils auront vécu leur passion et leurs joies.Quant à nos murs , ils continueront de les accueillir et à les empêcher de vieillir....

 

 

 

Le petit dessin ci-contre est "tiré" de la quatrième de couverture de l'exemplaire annonçant l'exposition des "Cinq". Signée du célèbre "E.D" du paysagiste de Chênée, il reprend le thème de la barque cher à son auteur. Ce dessin fait partie d'un ensemble dont les autres auteurs se sont contentés parfois, s'il ne sont restés dans l'anonymat, d'une enigmatique signature résumée en deux lettres....

Lorsque le "connaisseur" juge les oeuvres proposées, il n'hésite pas à prévoir le talent de ludovic BAUES. La peinture ci-dessous prouve la justesse de ses prévisions.

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La photo ci-contre vous présente la boutique du célèbre amateur d'art qui soutint la création du club des "cinq". C'est en ces lieux que, dans la fumée des pipes et cigares, se noua l'amitié des peintres et se décida la mise en oeuvre de leur exposition commune.

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Sirtaine cuivre