L'organisateur secrétaire

 

C'est en 1875 qu'Edgard D'Hont, fièrement, franchit pour la première fois le porche de l'Académie des Beaux-Arts de Liège.

A son époque scolaire, le cycle inférieur des études, d'une durée de trois ans, trouve son inspiration au travers des postulats extrêmement rigoureux du peintre Jean-Mathieu NISEN.

L'autoportrait ci-contre, oeuvre du professeur de dessin des classes inférieures, nous montre la précision du trait que ce dernier exige de ses élèves. Edgard D'Hont atteindra, sans doute après bien des essais et erreurs cette perfection aussi intransigeante que la photographie.

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Quant au cycle moyen, il sera étayé par les apports de deux artistes de renom: Charles SOUBRE et Auguste CHAUVIN. Ces trois personnalités, si elles ne rejettent pas toute vision novatrice, restent néanmoins très liées à une approche traditionaliste. Dans leur art on retrouve la vibration des grands portraitistes flamands qui illuminèrent de leur génie dans nos régions les siècles précédents.Par-delà leur exigence maintenue d'un trait frisant l'excellence, leurs successeurs tels Adrien DE WITTE  ou Emile DAXHELET ajouteront l'empreinte indélébile de l'art moderne en Wallonie. Edgard D'Hont sera malheureusement déjà sorti de l'Académie lorsque ces deux professeurs aux approches plus complexes exerceront leur talent de pédagogues.

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Soubre

Les deux illustrations ci-dessus nous proposent à gauche le portrait de Charles Soubre et à droite l'une de ses oeuvres basée incontestablement sur une rigueur absolue du trait. Ci à droite un dessin d'Adrien De Witte dont le trait supporte parfaitement la comparaison avec ceux de ses prédécesseurs à la tête des classes de l'Académie.

Un foisonnement des approches, hors des sentiers battus, va instituer divers courants dans l'art liégeois dès la fin du dix-neuvième siècle. L'aspect tardif de ces éclosions va cependant pénaliser les artistes locaux largués par les avancées de leurs collègues français, anglais ou nordiques. Une conscientisation brouillonne sèmera un flou préjudiciable dans le phénomène de l'approche individuelle des jeunes peintres locaux.Nous nous trouvons aujourd'hui, avec le recul du temps, forcés de constater qu'à l'heure où Monet ou Sisley poseront les bases de leur approche impressionniste, l'aura de la puissance culturelle de l'hexagone les servira au point d'occulter les efforts des artistes de nos régions. Du côté de la Cité Ardente, toutes les approches originales s'ingénient à se dérouler dans l'improvisation et le plus intense désordre. L'unique similitude entre tant de bouillonnements individuels tiendra dans la volonté commune de négliger les visions traditionnelles des siècles précédents au profit d'une modernité assez tiède. Un chape de silence, lourde de conséquences, recouvrira les pertinences de vue avant-gardistes. L'invention et le développement rapide de la photographie, dans la rigueur inexorable de sa reproduction parfaite des sujets, poussera nombre de peintres à refuser la simple transposition au profit d'une interprétation subjective, personnelle mais sans doute souvent plus vraie encore. Aucun maître du portrait n'osera plus trop rivaliser avec l'exactitude d'une photo de Nadar. Lequel, de plus, agira en photographe certes, mais aussi, en artiste.

Auprès de chacun de ses professeurs, Edgard D'Hont développera donc en priorité une "précision effilée du trait" qui servira de base à chacune de ses oeuvres. Cette obstination à la finesse des mouvements du crayon lui coûtera peut-être fort cher. On peut y voir aisément sa relative incapacité au geste plus ample qui l'empêchera d'élargir plus tard ses oeuvres et d'abandonner avec un succès constant les tableautins plus réduits. Edgard restera, son corps défendant, le génie incontesté d'un "petit monde pictural" qui ravit mais n'impressionne pas l'amateur dont le regard est plus volontiers attiré par le grandiose et le spectaculaire...

Lorsqu'il entre à l'Académie, Edgard D'Hont vient de tourner la page d'une enfance assez libre marquée par de longues escapades sur les chemins de traverse des entités de Grivegnée et Chênée. Ces deux communes rurales connaissent depuis des siècles une économie au caractère tranquille et séculaire. elles se dissimulent au coeur d'un écrin naturel d'une exceptionnelle qualité qui fait office de "porte" des Ardennes.

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Pourtant,comme le montre la gravure ci-contre, dès la moitié du dix-neuvième siècle, leur aspect bucolique et champêtre ne résistera pas à l'irrépressible explosion du miracle économique de la révolution industrielle belge. L'irruption de cette modernité totalement dérégulée va motiver chez le Chénéen un sentiment de profond rejet et le souci de la défense d'une nature en danger d'éradication. Dans un sourire, il est concevable de lui attribuer la qualité prémonitoire d'"écologiste" avant l'heure.

Au sortir de ses études académiques, Edgard D'Hont excelle surtout dans l'art délicat de l'aquarelle. Sa maîtrise stupéfiante de cette discipline complexe s'impose en évidence. Nul doute que la finesse des mouvements de sa main et la précision de son "toucher" l'inscrivent parmi les maîtres indubitables des pigments mêlés à l'eau.

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Edgard D'Hont aurait pu assurément se limiter à cette dimension artistique. Une telle approche exclusive lui aurait sans doute apporté bien plus de renom en lui accordant la reconnaissance des amateurs d'art postérieurs à son temps. Pourtant l'artiste considèrera qu'il n'y a de véritable métier de peintre que dans la maîtrise de l'huile. Il s'imposera donc un apprentissage permanent qui autorisera les critiques officiels à souvent l'inciter à encore progresser vers on ne sait quelle finalité. La modestie d'approche et l'honnêteté de l'artiste joueront en sa défaveur dans un univers où la fausse assurance suscite trop souvent les éloges. Si les journalistes peuvent parfois afficher une certaine condescendance, le public, lui, ne s'y trompera pas faisant de chaque exposition d'Edgard D'Hont un succès d'estime et de ventes. Comme modèle de signature, l'auteur choisira:Edg : D'HONT. La majuscule du prénom est déformée et prend la physionomie de la lettre issue de l'alphabet grec: epsilon... Il est à remarquer que le paysagiste sépare pour une raison inconnue son prénom raccourci de son nom par un double point. La barre centrale de l'epsilon peut parfois être peu marquée...Les deux points peuvent eux aussi être fort peu apparents. Néanmoins, lorsque la signature est clairement réalisée ( et ce, avec de plus en plus de soin au fil des ans), ces signes distinctifs ne sont jamais omis.

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Cette signature est la seule utilisée de son vivant par l'artiste tant pour ses huiles que ses aquarelles.Seuls, quelques dessins, souvent considérés à titre d'ébauche pour un futur tableau, sont simplement signés d'un "E.D" succinct.(Après sa mort quelques âmes bien ou mal intentionnées ont choisi de très maladroitement signer quelques oeuvres inachevées ou jugées insatisfaisante par le paysagiste.Dont acte.)

En 1885, on trouvera le célèbre magnétieur DONATO, de son vrai prénom Alfred, frère d'Edgard, à l'origine de la publication officielle d'une oeuvre de son cadet parmi les pages d'une revue "honorifique". Les journalistes en place

à Paris font, en effet, paraître le 5 avril une revue intitulée ; " La Meuse Illustrée". ce fascicule a pour souci de faire découvrir au public de la "ville lumière", fin connaisseur, divers talents poétiques, romanesques ou picturaux nés parmi les méandres de la Meuse.Déjà célèbre dans l'hexagone, Alfred Dhont, est intervenu avant la mise sous presse afin qu'un dessin de son benjamin, parfaitement inconnu, se glisse sur l'une des pages de la publication. Ainsi paraît pour la première fois un croquis bien léché, signé Edgard D'Hont et dénommé : "Ruines de l'abbaye de Villers". Ce dessin est présenté ci-dessous.

Poussé par l'impatience de la jeunesse et fasciné par la carrière florissante de son "magnétiseur"de frère qui séduit l'Europe, Edgard, va, lui aussi vouloir tâter des planches et affronter un public.

Certes, le jeune homme ne partage pas le don d'hypnose hors du commun d'Alfred mais il peut s'appuyer sur un talent de dessinateur au trait précis et...rapide!

En 1886, la gazette " La Meuse", décidément souvent première à réagir, narre avec ostentation les exploits d'un saltimbanque original : Célestin Floridor.

Son numéro s'articule autour de l'art du dessin. Ainsi, sur proposition imprévisible d'un thème suggéré par une spectatrice, l'artiste de cabaret s'entend à réaliser en moins de cinq minutes une huile totalement...accomplie.

Voici comment le narrateur du journal " L'Eclair" narre la performance:

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" Le travail de Floridor consiste dans l'exécution d'un tableau à l'huile en cinq minutes. Avec une vélocité vraiment étonnante Célestin a brossé un joli paysage dans lequel nous avons remarqué beaucoup de perspective aérienne, un dessin irréprochable et une tonalité d'une certaine recherche.

Sous le tonnerre des applaudissements, Floridor, rappelé, a exécuté ensuite en quelques minutes deux charmantes  marines au fusain..."

Ci à droite, une vieille carte postale nous montre le véritable acteur de la comédie parisienne "Mamzelle Nitouche" qui endosse le rôle de Floridor et à qui Edgard D'Hont a subtilisé le nom ...d'emprunt!

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Au terme d'une petite année, Edgard D'Hont abandonnera cependant ses activités nocturnes et choisira, dans un élan définitif, le métier plus sérieux d'artiste peintre. Peut-être vient-il de rencontrer une certaine Adèle, jeune fille trop bien élevée pour fréquenter un artiste de la "balle" et bien plus séduite par un esthète créatif.... Le paysagiste de Chênée retournera, en tout cas, de bon gré vers quelques " montres" locales ou quelques manifestations du style " l'art aux fenêtres".  Ces termes recouvrent des expositions de tableaux aux étalages des commerces d'une entité. L'artiste, qui n'a aucune autre perspective de mise en exergue de son travail, espère ainsi se faire remarquer. Avec quelque désinvolture, mépris ou naïveté, bien des oeuvres réfléchies s'y noient dès lors parmi les salaisons, les pièces de lingerie voire quelques fromages odorants !

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Dans le cas de figure nommé "l'art aux fenêtres", l'idée reste la même bien que l'oeuvre y serve de lot destiné au gagnant d'une tombola dont le bénéfice est versé à une oeuvre charitable et locale.

La carte postale ci-contre nous montre à droite de la rue Vinâve d'île la chapellerie Magis-Henne. Edgard D'Hont y exposera lors d'une "montre" une aquarelle qu'il a baptisée "Paysage", titre dont il abusera tout au long de sa carrière.

Entretemps, volontaire et imaginatif, l' ambitieux artiste, s'est orienté vers une voie plus prestigieuse qu'il entame simultanément à celle des intermèdes de vitrines locales....

Aujourd'hui encore, ce choix mature demeure sa démarche artistique la plus célèbre. Depuis le dernier trimestre de l'année 1885, Edgard D'Hont vient en effet d'initier puis de cimenter des rapports de collaboration officiels entre les membres d'une association novatrice et amicale qui se pare d'un titre : " LES CINQ" La gente artistique novice fait ainsi sienne la devise de la jeune Belgique :" L'union fait la force."

Lire la page consacrée exclusivement à cette amicale sous le titre : LES CINQ.

L'époque vit une véritable effervescence qui pousse les "amateurs" d'un même but à se regrouper. On ne compte plus les associations, cercles ou harmonies. Le projet associatif que mettra en place le groupe "Les Cinq" prend effet en 1892 pour se parer du titre de CERCLE des BEAUX-ARTS de LIEGE. La congrégation d'artistes toujours plus nombreux possède désormais un local qui accueille les réunions et les expositions au centre de la cité ardente.

Le Cercle, toujours actif de nos jours, propose, depuis un déménagement en 1938, des locaux rue  Soeurs de Hasque qui abritent deux salles d'exposition contiguës. Le Cercle, à la renommée rapidement consolidée, se verra promptement confronté à l'obligation de se doter d'une structure décisionnelle élue, à même d'exercer les tâches de plus en plus

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lourdes de planification des activités. La gravure ci-contre, oeuvre de Jean Müller montre en arrière-plan l'entrée de l'ancien Cercle des Beaux-Arts. Edgard D'hont se montrera d'une fidélité totale à cette association et y sacrifiera de nombreuses heures de son temps. Si l'artiste se sent naturellement investi d'un rôle d'instigateur, la fonction de "président" le rebute. Même si on l'a contacté afin de lui décerner le poste, il lui a préféré le statut plus discret de "secrétaire". Ce rôle de contact mais aussi de de décisions lui permet d'influer, par la bande, sur les choix de l'association sans devoir en subir les hommages creux et les représentations académiques. Il assumera le secrétariat pendant dix-sept années entre 1895 et 1912. Le Cercle des Beaux-Arts organisera chaque année son exposition principale cataloguée de "générale" et nombre de manifestations plus intimes et personnalisées. Edgard D'Hont participera annuellement, sans brisure, aux deux types de manifestations jusqu'en 1939.

Fort de ce succès, le Cercle éditera dès le mois d'août 1896 une publication mensuelle intitulée " Art et Critique"

Edgard D'Hont, dès 1912 va prendre l'engagement officiel supplémentaire de

secrétaire de la " Fédération Liégeoise des Artistes wallons". Outre un florilège d'échanges, de contacts parfois politisés et nombre de participations picturales négociées dans le Royaume entier, l'action la plus spectaculaire de la Fédération Liégeoise sera peut-être la mise en place, à l'initiative personnelle d'Edgard D'Hont,  en juillet 1914, d'une cérémonie du souvenir en l'honneur du romancier Camille Lemonnier. Trop vite désigné comme le "Zola" du Plat Pays, Lemonnier, en écrivain éclectique doit plutôt être

rattaché au courant "décadent". On peut généralement comparer son univers à celui de  Félicien Rops même si, parfois, ses portraits douloureux font penser à Constantin Meunier et sa truculence à Bruegel l'Ancien. En 1906, le romancier  se rend à Esneux et choisit le décor de cette cité endormie le long de l'Ourthe pour y inscrire la trame de son épopée: "L"Hallali" Ce roman décrit la cité de Tilff, les redoutes mal-famées de Chaudfontaine ou la quiétude de Méry ainsi que son île mystérieuse au beau milieu de la rivière . L'évocation somptueuse de ces lieux qui lui sont familiers suscite l'enthousiasme d'Edgard D'Hont. Le peintre y découvre la couleur des mots, la lumière des images et des descriptions. Dès lors , en juin 1913, au décès du romancier, le paysagiste proposera avec insistance l'érection d'un mémorial dont photo ci-contre nous montre la permanence aujourd'hui.

Esneux monument

Investi dans le cumul des secrétariats du Cercle et de la Fédération, Edgard D'Hont s'appliquera à la rédaction des principaux discours informatifs et honorifiques. Il saura faire preuve, si nécessaire, d'une amnésie oublieuse des travers, des défauts et des égos d'artistes. Son talent constituera alors à cerner la valeur de maîtres incontestés tel François Maréchal, mais ausssi de quelques jobards dépourvus d'envergure. Jamais personne pourtant ne songera à lui rendre la pareille.Seule la presse locale, au fil des ans, lui concédera le taux d'estime qu'il mérite. Insatiable dans les échanges et avide de rencontres, il multipliera les adhésions aux coteries.

Une observation s'impose: toutes les démarches et interventions du peintre demeureront strictement limitées au cadre culturel. Son engagement primordial, loin des visées politiciennes, s'axe sur la redécouverte des beautés naturelles de sa région. Le paysagiste exposera, sans retenue, partout où on l'invitera: Huy, Verviers, Ostende, Gand, Bruxelles, Maastricht ou Aix-la-Chapelle. Sa philosophie, totalement dévouée au développement des arts, peut donc être décrite comme "fédéraliste" et non point "séparatiste". Son fédéralisme se conçoit pourtant dans un assemblage serein de régions géographiquement définies. Dans son esprit, la Wallonie n'existe qu'au travers d'un patchwork de couleurs locales. La Belgique culturelle idéale ressemble pour lui à une palette d'artiste, propice aux mélanges bénéfiques mais au départ de colorations différentes. De par ses contacts humains cordiaux avec ses voisins ouvriers, Edgard D'Hont, admiratif comprendra aussi la nécessité de faire découvrir à la haute société liégeoise la qualité d'une classe laborieuse au talent ignoré. Sa recherche d'un reconnaissance débouchera sur la majestueuse "Exposition d'Art Ouvrier", innovatrice, révolutionnaire et tellement déstabilisante qu'elle demeurera unique..

Edgard D'Hont va aussi s'engager, pour de nombreuses années, à collaborer avec le Musée de la Vie Wallonne. Il glissera anonymement plusieurs "critiques" dans les colonnes artistiques de différentes revues locales. ( voir la page: "Le lettré") Son travail de l'ombre se verra tellement apprécié qu'en 1932, la Commission Administrative du Musée lui décernera son prestigieux "Pot d'étain". Le renom de cette récompense fera citer son travail jusque dans les colonnes de "La Gazette de Bruxelles", organe de presse d'une capitale généralement méprisante à l'égard des initiatives "campagnardes"

En 1918, tout à la joie d'une liberté retrouvée,le Cercle des Beaux-Arts va à nouveau savourer l'éloquence de son secrétaire. Pourtant c'est avec stupéfaction que ce dernier va constater l'apparition d'une nouvelle vision politique au sein même de son Cercle. Désormais, en effet, les pouvoirs communaux et le monde politique reconnaissent à leur juste valeur les créations artistiques. Soucieux de l'avenir, de "leur" avenir ils font nouvellement confiance aux jeunes pousses capables de façonner un monde en évolution constante. L'avenir s'invente désormais au coeur des nouvelles générations.

En 1920,Albert de Neuville, obtient, de plein droit, la propriété du Palais des Beaux-Arts afin d'y organiser un premier salon qui réunit certes les oeuvres d'Adrien De Witte mais aussi d'"étrangers" venus de la capitale tels Rik Wouters le Boitsfortois d'origine flamande et Henri Hevenepoel, le Schaerbékois adepte assidu des milieux parisiens. A l'évidence, le "pur" esprit inoxydable d'Edgard D'Hont va mal supporter ces changements d'orientation et de philosophie. Fidèle à son âme, mais rongé par l'amertume, il va définitivement trouver refuge derrière son chevalet. Il choisira de "bougonner" au grand air et de totalement s'isoler.

Ce passage de témoin définitif entre deux époques se déroulera en sourdine sans l'ombre d'une narration de presse. Des réunions houleuses ont-elles débouché sur des querelles ou des rancunes ? Nul ne le sait plus même si, après l'année 1923, Edgard D'hont n'exposera plus que de manière tout à fait exceptionnelle en compagnie de l'un ou l'autre des membres  du groupe "Les CINQ", tous désormais asservis aux visions de la nouvelle direction artistique liégeoise. Curieusement, c'est pourtant à cette époque que le paysagiste acquerra son statut de "personnalité locale incontournable". Les journaux locaux, toujours plus élogieux, ne manqueront jamais de signaler l'excellence de son art et feront même paraître sa "chronique" récurrente..

En 1933 enfin,la restructurée Société Royale des Beaux-Arts, ( plus question de Cercle!) met en oeuvre une exposition-bilan baptisée"Le visage de Liège". Edgard D'Hont, agrippé à ses opinions, est banni de ce qu'il dénomme un "fourre-tout..."(sic) Si son absence résonne, de nos jours, telle une injustice, peut-être n'a-t-elle suscité à l'époque que commentaires moqueurs ou désabusés. Une large part de l'exposition sera consacrée aux travaux de François Maréchal, au faîte de la gloire. Replié sur ses terres, le vieux paysagiste éprouvera au moins le sentiment d'avoir gardé un cap qui, jadis, aurait fait l'unanimité.Sans doute avait-il tort.

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Seul son ami le peintre Alfred Defize que l'on aperçoit sur la carte-photo ci-contre en famille à la  mer du Nord, meurtri par son absence, lui témoignera un relatif soutien.

Le rêve d'Edgard D'Hont d'une Wallonie regroupée en bastions originaux est à tout jamais balayé. Suite à la victoire de 1918, un esprit plus collaboratif règne pour quelques mois au sein d'un pays momentanément calmé...L'artiste précurseur a été forcé d'accepter l'état de fait qui voit une région wallonne petit à petit se réunir sous une bannière commune et solidaire. Désormais, c'est tout le militantisme d'un peuple groupé en une future mais encore très lointaine Communauté Wallonie-Bruxelles qui se profile derrière la résurgence d'un horizon national chargé de brouilles linguistiques tellement récurrentes tout au long du vingtième siècle.

La vision du paysagiste liégeois n'aura donc pas franchi l'obstacle d'une guerre et d'une modernité novatrice.

Il n'en reste pas moins que le futur ne peut se construire durablement que sur les espoirs du passé.

En guise d'ultime preuve des actions désormais totalement effacées d'Edgard D'Hont, la lettre rarissime ci-contre écrite de la main de l'extraordinaire RASSENFOSSE, qui, lui aussi mit tant de temps à ressurgir du passé, demeure la preuve évidente du soutien permanent qu'offrit l'officiel "Secrétaire des Artistes Wallons" aux inconnus d'alors, adeptes de la bohème et des sollicitations vaines. Que seraient devenus ces génies d'un temps sans l'aide des Cercles et des Fédérations qui les ont confirmés dans leur bon droit et les ont incités à ne pas abandonner un parcours personnel sans la moindre reconnaissance populaire et donc gavé de déceptions? Et si ces artistes, faute de moyens de subsistance et du regard réconfortant de leurs pairs, avaient abandonnés là la beauté qu'ils nous offrent aujourd'hui à contempler?

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Véritable "star" locale des années 1930, le désormais célèbre sérigraphe François Maréchal prouve au travers de ses fréquentes lettres ses relations toujours intenses avec le paysagiste de Chênée. C'est ce dernier qui l'a incité à se lancer dans la technique délicate des "plaques", à prendre patience et à dominer un caractère fort, un peu bourru et plutôt impulsif..C'est encore lui qui"pousse" Maréchal à prendre, en 1913, la présidence de la "Confédération des Artistes liégeois". La guerre brisera ce rôle important de représentation publique.

Dès l'association des "Cinq", Edgard D'Hont a deviné le talent immense de son ami.Ses conseils l'aideront à trouver une place dans un milieu où la diplomatie n'est jamais à négliger.

L'épouse de François Maréchal restera fort proche d'Adèle D'Hont. Les deux amies se feront de nombreux cadeaux composés souvent d'oeuvres de leurs conjoints respectifs.

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La reproduction ci-contre reprend une affiche dessinée par le peintre Jean UBAGHS qui, lui aussi, vécut dans l'ombre de la création du CERCLE des BEAUX-ARTS.On peut parfaitement imaginer qu'en tant que "secrétaire" c'est Edgard D'Hont qui sollicita son talent afin d'annoncer l'une des toutes premières expositions organisée par son cercle...en pleine croissance de notoriété...